[Hors-Série]Les aventuriers du bras cassé
L’avantage d’être un blogueur indépendant c’est de pouvoir écrire à peu près ce que je veux, sans trop de contraintes. Du coup, cette semaine je vais me faire plaisir, et sortir un article un peu particulier. Un genre de hors-série on va dire, que vous aurez probablement à supporter une fois tous les deux à trois mois suivant ce que j’aurai à raconter. Donc, les aventuriers du bras cassé, ou les chroniques d’une bande de rôlistes que j’ai le (dé)plaisir d’encadrer grosso modo une fois par mois. Le tout en à peine romancé, et sans s’encombrer de détails techniques, pour une lecture plus fluide (et surtout moins chiante). /enjoy (ou pas, au choix).
Un beau levé de soleil baignant de sa lumière un objectif qui semblait inatteignable la veille. Haaa, qu’elle est vaillante cette troupe, fatiguée d’avoir passé la nuit à traverser des tunnels pour s’échapper d’un Mordor sans orcs, mais avec des dragons. L’elfe se plaint de la lumière du jour qui l’aveugle, le nain se dit qu’il faudra retailler sa barbe et le mage se demande ce que le groupe fout à contempler l’aube plutôt que de continuer d’avancer. Après une petite pause repas constituée d’indémodables rations de survie, la valeureuse compagnie de nos cinq larrons (ou quatre, ça dépend des mois en fait) reprend la route vers la ville dont les remparts se profilent à l’horizon. Mais que font-ils ici ? L’histoire serait trop longue à raconter ici, disons juste qu’ils sont en quête de : « Heu… trouver un moyen de purifier la boule magique qu’on vient de récupérer et aller j’sais plus où pour utiliser la boite à musique qui est en fait une clé pour ouvrir j’sais plus quoi ? Le truc que les mages ils ont dit de faire ». Si je leur demandais maintenant, c’est probablement assez proche de ce qu’un de mes joueurs pourrait dire. Le genre de joueurs qui lisent les quêtes que quand ils sont bloqués. Le genre de joueurs qui aimerait bien pouvoir avoir une fonction quick save sur un jeu papier. Le genre de joueurs que vous adorez torturer. Fort heureusement pour moi, ils ont compris que la prochaine étape de leur voyage (et donc la suite de la quête, et des points d’XP) se trouvait dans la cosmopolite citée dont ils viennent d’atteindre la porte d’enceinte. Minotaures, elfes, hommes-dragons, gnomes,… la ville est un véritable zoo dirigé par un genre de gobelin immortel, ouais, aujourd’hui on va donner dans le multiculturel. L’occasion parfaite pour mes joueurs les plus consciencieux (casses-couilles ?) de m’abreuver de leur savoir encyclopédique sur telle sous espèce dont ils ont lu quelque chose dans un obscur manuel dont ils ont probablement illégalement récupéré le PDF, publié uniquement en Espéranto. Bref, après avoir répondu aux préoccupations de chacun (« vite, ma barbe ! », « me faut des flèches », « y’a un bordel dans la ville ? » « il reste des Pringles au poulet ? »), et après avoir choisi l’auberge la plus cosy, ils commencent à élaborer leur plan d’action.
-Bon, faut qu’on fasse quoi déjà ?
-Y’avait pas une histoire comme quoi le chef de la ville ici il connaît des trucs sur genre les objets maudits et tout ? Les mecs chelous avec des ailes en feu ils nous avaient dit ça.
-On peut commander des sushis ce soir plz ? J’commence à avoir la dalle et y’a plus de gâteaux apéro là.
-Moi t’façon je sais pas, j’suis débutant, je vous suis.
-A mon avis le mieux c’est d’essayer de s’entretenir avec l’immortel, et de voir si il peut nous aider, sachant qu’on peut payer, ou monnayer nos services.
-Moi j’file pas mes tunes !
-Nan mais c’est bon, c’est un PNJ important, il va nous donner une quête à la con et on aura juste à faire ce qu’il nous dit…
-Vous en pensez quoi, tout le monde est ok avec ça ? Y’en a un que je trouve bien silencieux depuis le début de cette conversation…
-Nan mais moi j’suis pas là, j’ai vu ça avec le MJ, vous occupez pas d’moi.
-Attend, c’est pas toi qui avait le sac avec tous les trucs ?
-Vous occupez pas d’moi, de toute façon j’suis pas là !
– …
-Sinon on peut tenter d’infiltrer la baraque du mec, de nuit et de fouiller dans sa bibliothèque, c’est un collectionneur, il cache plein de matos super important.
-Ouais, faut commencer à faire des patrouilles autour de son manoir et noter le trajet des gardes.
-Mais heu… c’est pas le maire ? On peut pas juste prendre rendez-vous avec lui ?
Un hobgobelin immortel, c’est ça. Pas super glamour hein ? Le seigneur Toede.
Opérons une petite ellipse narrative, cette conversation ayant pris grosso modo une demi-heure. Quand votre groupe de joueurs est constitué à la fois de vieux briscards qui ont tout vu et tout fait, d’indécis chroniques, d’overthinker, de rules guru, de débutants qui se demandent encore ce qu’ils font là et de gens abreuvés depuis 20 ans aux jeux vidéo, ça peut créer des situations de ce genre. Et bien évidemment, certains autour de la table cumulent plusieurs des adjectifs de la phrase précédente. Cassons tout suspens, l’hulk femelle du groupe s’est dit que c’était une bonne idée d’aller confier l’objet de leur quête (la fameuse « boule magique corrompue ») à de parfaits inconnus parce que « non mais vous inquiétez pas, ce sont des gens de confiance, et arrêtez de poser des questions ou j’vous tabasse ». Pendant ce temps, le nain est allé fréquenter seul tous les rades les plus malfamés de la ville pour obtenir des informations « nan mais les gars, c’est toujours dans les tavernes qu’on a les meilleurs infos », l’elfe essaye de refourguer au marché les saloperies accumulés sur une demi-douzaine de séance et le mage se demande si trois boules de feu c’est pas mieux que deux, pour un scénario qu’il va falloir gérer de façon diplomatique. Éclair de génie du prêtre du groupe qui se dit qu’essayer la voix administrative serait sans doute plus sage que de prendre un immortel en otage.
J’ai parfois l’impression d’assister à un épisode de Kaamelott. Je croyais que jouer avec des gens plus âgés que ce que j’avais pu faire par le passé allait m’offrir une nouvelle expérience de jeu. Effectivement, je ne suis pas déçu, c’est un tout nouveau metagame qui s’offre à moi. Comprenez-moi bien, ils sont tout à fait capables d’être roleplay et de jouer leurs personnages avec brio, ça, je ne peux pas le leur reprocher. En revanche, ils vont aborder absolument chaque situation comme une énigme à résoudre, un piège à déjouer. Une lutte permanente contre moi. Mais soyons honnêtes, je leur rend bien. Et puis une situation kafkaïenne de temps en temps, ça reste gérable.
Ce n’est qu’après moult rendez-vous, ayant donnés lieux à quelques fous rires de la part des joueurs, que ces derniers sont arrivés à triompher du labyrinthe bureaucratique qui constituait la majeure partie de ce morceau du scénario de la soirée. Le Saint Graal ayant pris la forme d’un bout de parchemin (formulaire B-215 bis) qu’ils devaient aller confier le lendemain aux gorilles à l’entrée du manoir de l’immortel pour pouvoir avoir le droit à 25 minutes de discussion avec son éminence, le seigneur « j’arrive pas à prononcer son nom » l’immortel, le maudit des dieux. Auteur – entre autres – d’un traité érotique, alter ego version fantasy, du Kâma-Sûtra pour ogres, actuellement best-seller dans l’univers où jouent nos héros. Oui, la précision était importante, parce que c’est effectivement précisé sur la page wiki du personnage sur l’encyclopédie en ligne de cet univers. Un PNJ qui a l’air de pas plaisanter avec ça, et qui visiblement dispose de bien trop de temps libre. Et nos héros viennent d’obtenir un rendez-vous, dans un peu moins de 24 heures, avec lui. 24 heures c’est très long quand il faut veiller sur un parchemin qu’on a mis une petite semaine à obtenir.
La maison qui rend fou, issue des Douze Travaux D’Astérix, ma principale source d’inspiration pour la séance.
Il peut s’en passer des choses en 24 heures, un malheureux coup de vent, une bière renversée, une boule de feu mal contrôlée, ou même une bête rencontre aléatoire. Sur un groupe de joueurs normaux, ça a de quoi les rendre paranoïaques. Sur un groupe de paranoïaques, ça les rend juste ingérables. Les détails les plus anodins que je mentionnais, chaque élément qu’ils rencontraient semblait créer de nouveaux problèmes « nan, on rentre pas par là, la rue elle est boueuse, on pourrait glisser ». Les plans les plus farfelus ont commencé à voir le jour pour protéger ce fragile sésame vers la suite du scénario, vers un gros bonus de points d’XP, et probablement de loots de ouf. Heureusement, j’étais préparé. J’avais une arme secrète, quelque chose qui ne manquera pas de les canaliser à coup sûr. Mais je devais agir vite, il commençait à être tard, on jouait depuis déjà bien trop d’heures, et j’étais en train de les perdre. « Les gars, si jamais, il reste encore deux paquets de chips au barbecue dans le buffet derrière vous ». On réfléchit mieux le ventre plein et la tête vide, et c’est après une petite pause clope/chips/anecdotes de merdes et autres commentaires d’une importance primordiale (« j’pense j’aurai pas dû mettre deux points dans intimidation, mais plutôt dans discrétion… ») que la séance a pu reprendre, et se finir sur cet instant roleplay avec ce PNJ qui avait l’air super important, et son chambellan qui ne pouvait s’appeler autrement qu’Alfred ou Nestor. Pas vraiment la fin d’une quête, mais le début d’une autre, puisque bien évidemment, ce brave immortel avait une requête à formuler (« voyez, je vous l’avais dit ! », suivi de « ta gueule, c’est un moment RP important là, prend des notes »). Et c’est donc là-dessus que s’achève la séance, la promesse d’un accès à une bibliothèque contenant la plus large collection de livres ésotériques du continent contre le simple service d’aller récupérer une douzaine d’œufs de dragons qui lui ont été volés. Un jeu d’enfant pour un groupe d’aventuriers aussi chevronné que le mien. La promesse d’un peu d’action après une séance plutôt calme.
La suite au prochain épisode.
PS : c’était une première, et c’était rigolo à écrire, je poursuivrais très probablement au rythme de un tous les deux ou trois mois, même si ça doit sembler un peu abscons pour les non-rôlistes ! Et pour les curieux, il s’agit d’une campagne en trois volets sur le jeu Donjon et Dragons (la 3.5), dans l’univers de Lancedragon, intitulés respectivement : Key of Destiny, Spectre of Sorrows, Price of Courage. Chacun des volumes offrant entre six et une petite douzaine de séances suivant le groupe. L’aventure est ici déjà bien entamée, puisqu’ils en sont au début du second volet.
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