Free To Play – Cash Shop
Ça va faire deux semaines que je n’ai rien écrit pour le site, pas très sérieux, mais je vais essayer de me rattraper. Fort heureusement, si jamais ça se reproduit, je sais que je peux désormais compter sur un sidekick de choix, en la personne de Daigostu (aka le mec qui corrige ce que j’écris, et qui parfois m’apporte un CBO au milieu de la nuit). Mais cette fois-ci, ni un Grand Prix de Magic, ni une gastro-entérite aiguë ne m’empêcheront d’écrire ce que je veux sur le net. Et cette semaine, un sujet bien à la mode en ce moment : le modèle du free to play (F2P pour les intimes). Le sujet étant plutôt vaste, l’article sera divisé en plusieurs parties un tantinet plus courtes que ce que j’ai l’habitude d’écrire d’ordinaire.
C’est une des grandes tendances de ces dernières années, et beaucoup de studios s’y essayent avec plus ou moins de succès. Le résultat est que l’on a désormais accès à une pléthore de titres, sur un paquet de genres : MOBA, FPS, MMORPG, et tous les acronymes de votre choix trouvables sur le net, en version plus ou moins gratuits. Pourquoi ça marche autant ? Parce que c’est free, et les gens aiment bien ne pas payer. Mais en vrai, pas tout à fait.
Le F2P est construit sur un modèle tout simple : vous en mettre plein les yeux très vite pour que vous y accrochiez suffisamment pour dépenser des thunes. Ces titres sont pour la plupart développés avec un budget bien inférieur à des titres AAA, et disposent d’une visibilité moindre (là encore, il y a des exceptions). Pour accrocher le joueur, et pour essayer de se démarquer de la concurrence, très rude dans le domaine, il faut proposer une première expérience utilisateur satisfaisante. J’ai joué à un paquet de F2P, et ça passe par différentes choses : un tutoriel qui vous montre le end game, un design et un marketing agressif, un début de jeu très fluide,… Ceux qui arrivent à sortir du lot, et à pérenniser sont ceux qui sont capables de proposer quelque chose qui va au-delà de cette première expérience. Et croyez-moi, il y en a pas tant que ça. Mais tous les jeux ne naissent pas F2P, certains finissent aussi par le devenir (on vous dira tout un tas de raisons diverses et variées, mais en vrai c’est juste que le modèle précédent n’était pas assez rentable), on pense en particulier ici à toute la génération de MMORPG post-WoW. Qu’est-ce que tous ces jeux ont en commun ? Ils partagent un modèle similaire, et offrent tous une boutique accessible en jeu – ou en ligne – proposant tout un tas de services. Et cette semaine, c’est à ça qu’on va s’attaquer.
Un cash shop, ça se présente comme ça. Là c’est celui d’un MMO asiatique du nom de Dragon Nest. Pourquoi celui là ? Aucune idée, c’était le premier sur google image, et de toute manière ils se ressemblent tous.
Le Cash Shop
Appelé de façon différente suivant les jeux, cette fameuse boutique en ligne est l’endroit où vous pourrez dépenser vos deniers contre… bin tout d’abord, contre une autre monnaie. A de très rares exceptions, vous ne dépenserez jamais votre argent directement. Pour la modique somme de 35 euros vous disposerez de 7987 points ! Riot Point, Diamants Astraux, Gemmes,… des noms qui n’ont pour seul principe de vous faire oublier que vous utilisez de la vraie monnaie, dans le but de vous faire dépenser plus. Et ça évite en prime de faire trop facilement des raccourcis du type « Ce superbe chapeau coûte en fait 11 euros ». Ça peut sembler être de la psychologie de comptoir, mais en vrai ça marche, et des gens très intelligents (et particulièrement cyniques) se sont penchés sur la question. Une fois vos fameux points en poche, vous constaterez que peu importe le jeu, on peut grosso modo diviser les choses achetables en trois catégories :
– le cosmétique
– le service qui rend votre expérience plus agréable
– le contenu exclusif
Le premier point, c’est assez facile à distinguer : des nouvelles apparences pour votre personnage, une nouvelle couleur de cheveux, un pantalon de noël, des ailes, ce sont des choses qui théoriquement n’influent pas sur le gameplay. Le seul et unique but de ces objets est de rendre votre avatar et/ou votre interface plus belle. Les gens qui bossent à la création de nouveau contenu de ce type sont généralement doués, et il n’est pas rare de constater un contenu plus poli dans le cash shop que le jeu lui-même. Quoi qu’il en soit, ne pas posséder ce type d’objet ne va pas nuire à votre expérience de jeu (du moins si accepter d’afficher un casque moche ne vous gêne pas, merci SWTOR !) et rien ne vous oblige donc à dépenser sans compter dans ce type d’objets. Mais c’est tentant… Ça permet de se démarquer de la foule de gens qui ne payent pas. Afficher sa différence en adoptant le même skin que tous ceux qui ont dépensé. Un beau marqueur social-digital qui peut parfois aller plutôt loin. C’est le premier palier de tout cash shop qui se respecte, et c’est généralement celui qui est le plus accepté par les joueurs. Certains jeux poussent même le vice encore plus loin en proposant au joueur de créer ET de monnayer du contenu de ce type, c’est par exemple le cas sur DOTA 2. Un F2P ou vous pouvez faire de l’argent, le rêve pour beaucoup de joueurs.
Le magnifique monocle à 63$ de Eve Online. S’attaquer au système économique de ce jeu, ça mériterait un blog entier, certaines personnes y ayant consacré des études entières.
Pour le second type de service on s’attaque à quelque chose de plus délicat. La courbe de progression des jeux F2P est en règle générale plus lente que celle des jeux standards. Du coup, on vous propose des moyens d’aller plus vite que les autres. Potions qui vous font gagner plus d’expérience, montures plus rapides, diminution des files d’attentes et/ou des temps de construction,… encore une fois ici, en théorie, rien qui ne semble indispensable. En pratique le constat est légèrement différent. Pour les jeux qui sont conçus comme F2P, ça peut aller loin. En créant une courbe de progression suffisamment frustrante, et des passe-droits suffisamment attractifs on peut finir par imposer le passage au cash-shop comme quelque chose de presque nécessaire. Le récent cas du reboot de Dungeon Keeper sur smartphone est un parfait exemple du phénomène. Un cas d’école, puisque sans payer il est quasiment impossible de jouer de façon décente. Beaucoup de jeux sous navigateur ou support portables abondent de services de ce genre, et on se demande parfois quel est l’intérêt même de jouer.
Pour finir, le troisième point est sans doute celui qui pose le plus de problème aux joueurs, et est la cible des critiques les plus directes sur ce modèle économique : l’accès à du contenu exclusif. Un jeu présenté comme gratuit mais dont une partie du contenu est payant, il y a de quoi crisser des dents. Surtout quand ce fameux contenu est de meilleure qualité que ce qui est présenté gratuitement. Il devient d’ailleurs difficile dans ce domaine de différencier les véritables jeux gratuits de démos de jeux améliorées, ne servant qu’à vendre le contenu payant. Pour mieux faire passer la pilule certains jeux offrent des exclusivités temporaires, c’est le cas du récent Mighty Quest for Epic Loot, ou de Star Wars The Old Republic, qui tous deux proposent à la vente du contenu qui sera disponible gratuitement pour tout le monde plus tard (pour le premier il s’agit de classes de personnage, pour le second, de nouveaux modes de jeu).
On peut éventuellement rajouter une quatrième catégorie, certains jeux vont en effet monnayer un « statut ». Joueur privilège, compte premium, ici aussi les noms sont nombreux mais tous désignent le même type de service : un ensemble d’avantages à un tarif moindre, sous forme d’abonnement mensuel ou de payement ponctuel. C’est un modèle utilisé notamment par tous les MMORPG qui sont passés au modèle F2P, le fait de payer ledit abonnement permettant de profiter du jeu de la même manière qu’au moment où ce dernier était payant, avec quelques avantages en plus. Le revers de la médaille est que quand un jeu propose différents statuts possibles, ça peut générer pas mal de confusion chez l’utilisateur.
Le tableau récapitulatif des trois systèmes de payement de SWTOR. Ce n’est qu’un court extrait, pour les curieux la version complète est consultable ici.
Bien évidemment, suivant le jeu, tout est fait avec plus ou moins de goût. Pour mes deux derniers exemples, le contenu exclusif est au fond dispensable puisque ce qui est accessible gratuitement à coté est suffisamment vaste. Pour les jeux sous navigateur ou sur smartphone, ils peuvent très vite devenir de véritables gouffres financiers, d’autant plus que les achats de points peuvent atteindre des sommes colossales (on parle de pack coûtant plus de 100$). La principale difficulté pour les développeurs devient alors d’arriver à trouver le parfait équilibre entre progression et frustration, de manière à inciter les gens à payer, sans qu’ils aient l’impression de se faire voler. Un travail d’orfèvre…
Mais tout n’est pas pourri au royaume de Candy (Crush), la semaine prochaine, un benchmark de deux jeux F2P qui tous deux offrent un système particulier, et qui permettent de s’amuser sans dépenser un sou.
Ortie