Reaper of Souls
Depuis un paquet de temps, j’adore manipuler et essayer d’optimiser des nombres. Je le fais certes avec moins de passion qu’un mathématicien, et moins de talent qu’un statisticien, mais je le fais néanmoins avec plaisir. Que ce soit choisir une commode en fonction du nombre de compartiments dans lesquels je pourrais ranger ma collection de Journal de Mickey, ou bien essayer de calculer le prix par brique d’une boite de Lego pour acheter celle avec le meilleur ratio, c’est un exercice qui m’amusait. Le dernier CD de musique que j’ai acheté (ce qui commence à remonter), je l’ai même choisi parce qu’il comprenait plus de pistes, et durait plus longtemps qu’un autre avec lequel j’hésitais. Pourquoi je vous raconte ça ? Parce qu’en une dizaine de jours je viens de passer plus d’une centaine d’heures à me livrer à cette gymnastique sur Reaper of Souls, l’extension de Diablo 3. Et vous allez comprendre pourquoi !
Le gameplay
Comme ses prédécesseurs, Diablo 3 est un hack and slash dans lequel vous défouraillez du monstre par paquet de mille à l’aide de votre souris et d’une barre d’action limitée. Le tout en essayant de récupérer du précieux équipement généré de manière aléatoire histoire de taper des monstres plus forts, et de recommencer. Ça a l’air simpliste comme ça, mais c’est plutôt efficace. On va partir du principe que vous connaissez déjà le fonctionnement de Diablo pour s’attarder uniquement sur les nouveautés proposées par son extension. Reaper of Souls, c’est dix niveaux supplémentaires, un nouvel acte, une nouvelle classe, un nouveau mode de jeu et des centaines de nouveaux objets. Et quelques bugs. Ça fait un paquet de choses dont vous ferez pour la plupart le tour assez rapidement. Atteindre le niveau maximum ne vous prendra que quelques heures, et emmener une classe du niveau 1 au 70 peut se faire en une dizaine d’heure pour une personne normale, beaucoup moins si vous êtes accompagné et préparé. L’acte V se termine lui aussi en une poignée d’heures. Si vous n’avez accroché à aucun Diablo parce que vous n’appréciez pas de refaire le même contenu en boucle dans l’espoir de pouvoir améliorer votre personnage, ce n’est pas cette extension qui vous réconciliera avec le genre.
La véritable progression commence une fois votre personnage au niveau maximal. Et si vous aimez autant que moi maximiser votre personnage, vous allez avoir de quoi faire. Le patch préparatoire a apporté pas mal de changements sur les compétences de toutes les classes, débloquant ainsi pas mal de nouvelles possibilités de builds. Chacun vous demandera bien évidemment un équipement spécifique. Et on s’attaque là à l’une des grosses nouveautés de l’extension : l’enchantement. Le smart-loot (les pièces d’équipements que vous lootez sont pour la plupart itemisées pour vous) a remplacé l’autel des ventes comme source principale d’équipement pour vos personnages. L’enchantement rajoute encore une couche de flexibilité là-dessus en vous permettant de transformer l’un des attributs d’un objet, en un autre. Vous pourrez par exemple transformer votre vitalité en score de coup critique si vous estimez avoir assez de points de vie. Le tout contre espèces sonnantes et trébuchantes. En pratique ça fournit un nouveau gouffre dans lequel vous pourrez jeter vos pièces d’or, et ça aide à vous équiper de façon optimale. Du tout bon. Ce nouvel artisan permet aussi de changer l’apparence de vos objets. Anecdotique, mais sympathique.
L’autre grosse nouveauté est l’apparition du mode aventure et des failles. Avec le mode aventure, vous pourrez parcourir le jeu dans son intégralité, sans la contrainte des quêtes, avec la possibilité de remplir des objectifs : les primes. Nettoyer une zone, faire une quête secondaire, tuer un boss, faire un donjon… Chacun vous octroyant un bonus d’expérience et d’or, ainsi que la possibilité d’obtenir des fragments de clé ainsi qu’une nouvelle monnaie, les cristaux de sang. Ces derniers font office de ticket de loterie, vous pourrez en effet les échanger contre un objet d’un type de votre choix, tiré de manière aléatoire, avec la possibilité d’obtenir un légendaire. Les fragments de clé, lorsque vous en réunissez cinq vous permettent d’ouvrir une Faille Nephalem. On arrive ici au cœur de l’extension, ces failles sont des donjons générés de manière aléatoire à partir de tous les environnements et monstres du jeu, avec un boss spécial à la fin. Ça promet un bon melting-pot, c’est plutôt agréable à parcourir, et Blizzard essaye d’ailleurs – à l’heure où j’écris ces lignes – d’en faire LA zone à farmer. Aussi bien pour expérimenter vos builds les plus fous, que pour obtenir vos précieux objets légendaires. Une bonne idée mais qui aurait pu être un peu plus poussée, chose qui sera d’ailleurs faite dans des patchs à venir.
Pas mal de nouveautés, que je ne fais que survoler faute de place. On peut résumer le tout à un leitmotiv simple que l’on retrouvera sur presque tous les éléments de cette extension : des apports positifs qui raviront une très grosse majorité des fans de Diablo 3, mais qui ont peu de chances de toucher un nouveau public. Mais que ça ne vous empêche surtout pas d’essayer !
Un crusader dans toute sa splendeur.
La réalisation
Pas de doute ici, on est face à un jeu Blizzard. Graphiquement c’est très propre, et plutôt varié. De Westmarsh à la Forteresse du Pandémonium vous allez voir du pays. Cité en flammes, marécages, terres dévastées et paysages oniriques, on n’a pas le temps de se lasser. Les effets visuels des nouveaux sorts et compétences quant à eux sont du même niveau que ceux qui existaient jusque-là, certains souffrant du défaut de manquer un peu de retour visuel, mais rien de dramatique. Le mode aventure vient modifier un petit peu la donne en proposant un semblant de cycle jour/nuit sur certaines zones. Pas vraiment un cycle, il s’agit en fait simplement d’un changement d’ambiance sur quelques cartes. Rien de transcendant, mais ça apporte un peu de variété plutôt bienvenue. Les développeurs se sont en revanche un peu plus lâchés (un peu trop ?) sur les failles. En jouant avec les lumières, et en ajoutant quelques filtres, ils ont étés capables de rendre certaines maps méconnaissables. Le revers de la médaille est une perte de lisibilité par moments à cause d’un manque ou d’un excès de lumière. Encore une fois, ça reste cependant plutôt agréable d’avoir des environnements qui changent un peu. Le nouveau bestiaire est quant à lui assez varié, même si – thématique de l’extension oblige – il tourne un brin autour de nouveaux modèles de spectres et de morts vivants. Visuellement, on est bien dans du Diablo, c’est certain.
Coté son, c’est toujours du Blizzard. Une bande son magistrale quoique un peu trop discrète, un voice acting de qualité et des effets sonores au top. Le tout contribuant à immerger le joueur dans cette ambiance de mort imminente.
Petit paragraphe obligé sur quelque chose que je trouve toujours un peu embêtant sur des jeux de cet ambition : les bugs. Certes, la release s’est faite très proprement sans soucis particulier (agréable après le foutoir de la sortie de Diablo 3), mais y’a un paquet de petits bugs plus ou moins gênants qui subsistent : baisse de frame rate sur certaines maps, sorts qui ne fonctionnent pas comme indiqué, éléments de décor qui disparaissent… En plus de cela les serveurs européens de Blizzard ont subi des attaques une bonne partie du week end. Autant de problèmes qui même si ils ne sont que passagers (du moins je l’espère !) sont tout de même enquiquinants. Voilà, c’est dit !
Une Faille Nephalem, ça peut donner ça.
Le setting
L’univers Diablo, pour faire très simple c’est avant tout des anges, des démons et des humains qui se mettent sur la gueule dans un monde médiéval gothico-horrifique. En trois épisodes et quelques extensions, ça s’est sacrément enrichi : personnages récurrents, panthéon, lieux emblématiques, univers gigantesque et centaines d’années d’histoire. Pour qui cherche un peu à se renseigner, c’est d’une rare cohérence même si un peu tiré par les cheveux par moment. Et c’est là qu’on retrouve véritablement la parenté RPG de Diablo. Si vous souhaitez en découvrir tous les secrets, vous avez moult PNJ qui n’hésiterons pas à vous raconter leur histoire, pour peu que vous soyez prêt à lire un peu de texte ou écouter un peu de son. Les plus curieux et persévérants d’entre vous pourront même se constituer une véritable bibliothèque en ramassant les multiples ouvrages qui jonchent le sol des donjons, les coffres, ou divers éléments de décors. Tous vous dévoileront une facette du monde de Diablo, de son bestiaire, ou de son histoire. A ce niveau-là, le jeu est exemplaire ; toutes les informations que vous ramassez sont compilés et consultables à souhait (dans une interface qui n’est pas extrêmement pratique cependant). Le joueur qui se soucie peu du scénario ne sera pas noyé sous une masse d’informations inutiles pour lui, et le joueur avide d’en apprendre plus aura tout le loisir de le faire.
Là où l’extension peine à faire de l’effet c’est sur son scénario. A la fois convenu, et assez peu cohérent il vous réservera quelques mauvaises surprises si vous vous penchez un tant soit peu dessus. C’est dommage, compte tenu de la richesse de l’univers Diablo et des possibilités qu’il offrait. La faute à un antagoniste au final assez peu charismatique et au recours à des ficelles un peu trop simplistes. Je ne vous spoil pas, mais si vous y jouez, essayez de prendre le temps d’analyser ce qui se passe autour de vous et constatez par vous-même.
J’ai tendance à me plaindre d’ordinaire des bonnes histoires mal racontées, ici on a un peu l’inverse : une mauvaise histoire mais suffisamment bien enrobée pour faire passer la pilule comme il faut, en douceur. Ce qui n’empêche absolument pas les spéculations les plus folles sur les différents forums qui s’intéressent au lore du jeu, et qui méditent déjà sur le futur antagoniste d’une éventuelle future extension.
Un extrait du Book of Cain, un vrai faux livre qui existe à la fois dans l’univers de Diablo, et qui a été réellement édité.
Si on analyse le contenu apporté par cette extension uniquement, en excluant les ajouts du patch préparatoire (dont bénéficient ceux qui ne l’ont pas acheté), il peut paraître un peu chiche, surtout pour son prix. Mais le hack and slash reste un genre de niche, réservé à un public qui n’a pas peur de refaire inlassablement le même contenu. Un public qui adore se livrer à des calculs d’apothicaires, de jongler avec des compétences et des pièces d’équipements pour essayer de trouver le build parfait. Fort heureusement, Diablo 3 peut aussi s’apprécier en courtes sessions de jeu, dans un but purement défouloir. Et il faut reconnaître qu’à ce titre, le jeu remplit parfaitement son office ! Une extension de qualité, mais qui n’est visiblement pas faite pour chercher à séduire les joueurs réfractaires au genre, malgré quelques efforts pour les frotter dans le sens du poil. Sur ce moi, j’y retourne…
Ortie